Le Ciel et la Terre à témoin

ou les premiers signes de l'astrologie

 

Quand nos ancêtres regardèrent le ciel pour la première fois,

c'est sans doute après avoir perdu un état de grâce.

 

 

Lorsque les hommes commencèrent à peindre sur les murs, ce fut pour reproduire des scènes de leur quotidien. (D'après une peinture rupestre du Sahara, du néolithique.)


Les travaux des anthropologues et paléontologues nous apprennent que, durant environ un million et demi d'années, nos ancêtres directs n'ont quasiment laissé aucune trace de leur existence, de leur vision et de leur interprétation du monde. Comme s'ils n'avaient eu aucune raison de le faire, ou comme s'ils avaient été privés non pas d'intelligence, mais de cette forme d'esprit très particulière, apparue donc peut-être relativement récemment dans l'espèce humaine, qui consiste à témoigner de son passage sur Terre. Et puis tout à coup, il y a 30 000 ans environ, est apparu ce que l'on appelle aujourd'hui l'art pariétal, dont les fresques peintes sur les parois des grottes Chauvet et de Lascaux constituent les plus beaux vestiges de l'art rupestre.

Toutefois, l'originalité de l'art des cavernes réside dans le fait que, pour des raisons qui induisent aujourd'hui à différentes spéculations et suppositions, les êtres qui ont peint ces fresques étaient plongés dans l'obscurité, utilisant pour s'éclairer les lueurs incandescentes du feu ; ils étaient donc coupés du ciel et de la lumière du jour. Cette précision a bien sûr son importance pour nous.


En effet, nous ne savons pas pourquoi ces clans nomades, chasseurs et cueilleurs, ont tout à coup éprouvé le besoin de s'isoler du monde extérieur, pour finalement, on ne sait selon quel processus évolutif, se déterminer à peindre des figures de chasse, des animaux, des femmes et des hommes en mouvement, des signes, des visions picturales qui, à n'en pas douter, reproduisaient ce qu'ils voyaient de leurs yeux, mais aussi ce qu'ils vivaient. Pourquoi, brusquement, l'ancêtre de l'être humain actuel a ressenti la nécessité de s'exprimer sous cette forme quand, durant plus d'un million d'années, il ne semble rien avoir eu à dire ?

 

LE PARADIS PERDU OU L'ÉPREUVE DU VIDE

Est-ce un brusque changement de climat qui fut à l'origine de cette évolution dans le comportement de l'espèce humaine ? C'est la théorie soutenue par un nombre croissant d'observateurs scientifiques. En effet, un bouleversement climatique, produit par une catastrophe naturelle ou surnaturelle, a très bien pu modifier tout l'équilibre de l'écosystème dans lequel vivaient sereinement nos ancêtres depuis des milliers, voire des centaines de milliers d'années.


C'est ainsi que les gibiers et les fruits dont ils avaient coutume de se nourrir ont pu sinon disparaître totalement du moins se raréfier, tandis que les températures

extérieures, devenues anarchiques, les ont peut-être contraints à trouver refuge dans des grottes. Cela pourrait tendre à expliquer que, plus tard, dans l'histoire des hommes et des femmes, la grotte fut le symbole du ventre maternel, le lieu d'une seconde naissance pour l'être humain- ce qui est toujours le cas dans les rites initiatiques dits de passage, inhérents à certaines tribus primitives qui ont survécu de nos jours, à certaines religions, et à des rites aussi auxquels se sont toujours livrés et se livrent encore les chamans du monde entier

D'autre part, si les gibiers et les fruits, dont ils s'étaient nourris depuis toujours, disparaissaient peu à peu ou devenaient de plus en plus difficiles à trouver, il est compréhensible qu'ils aient ressenti la nécessité de les “invoquer ” en les dessinant et en les peignant sur les parois rocheuses de leur refuge. Ce qui nous induit à supposer qu'un manque, un vide, une sensation persistante à laquelle ils n'étaient pas habitués, à savoir la faim -car dans le grand jardin de la nature qui avait été leur cadre de vie durant des siècles et des siècles, il semble bien qu'en chassant et en cueillant ils trouvaient assez facilement de quoi se rassasier ; la famine leur était donc inconnue -, les a plongés dans une vive perplexité, un grand désarroi, puis conduits à prendre conscience d'un vide, d'un désordre, d'une force extérieure peut-être, dont jusqu'alors ils ne soupçonnaient pas l'existence. En d'autres termes, ce qui était un paradis, dont bien sûr ils n'avaient même pas la notion, était devenu brusquement un milieu hostile.

Or l'Histoire nous prouve que, depuis 12 000 ans au moins, les civilisations sont nées non pas dans des milieux paradisiaques, mais dans des milieux austères, arides, hostiles, où l'être humain a dû faire preuve d'imagination, d'esprit d'initiative, d'audace et de créativité pour leur arracher sécurité et richesses.

 

 LE CIEL ET LA TERRE A TÉMOIN


Peut-on croire qu'avant cette période de repliement sur soi contraint et forcé, 1'espèce humaine ne s'est jamais intéressée au ciel, à ses phénomènes, et notamment au Soleil et à la Lune, qui président au jour et à la nuit depuis la nuit des temps ? Non. Pourtant nous n'avons, et pour cause, aucune trace, aucune preuve de l'intérêt que nos lointains ancêtres ont pu porter au ciel.


Mais est-ce que les animaux de la Terre se préoccupent du ciel ? Le voient-ils seulement ? Seul1'espace compris autour de la surface de leur territoire les intéresse. C'est d'ailleurs un espace que chaque espèce animale maîtrise à la perfection. On pourrait objecter que les oiseaux, quant à eux, sont en relation avec le ciel. Mais est-ce vraiment le cas ? C'est l'espace compris entre le ciel et la terre, où circulent les courants d'air chaud et froid, qui constitue leur univers. Pas le ciel lui-même. Les oiseaux n'ont que faire des étoiles.


On pourrait objecter encore que nombre d'espèces animales sont réceptives aux phases de la Lune, et notamment à la Pleine Lune, ainsi qu'aux rayonnements solaires. Certes, mais il s'agit alors d'effets produits par les interactions des deux luminaires du jour et de la nuit et de la Terre. Ce sont à ces interactions qu'ils réagissent ou ce sont elles qui conditionnent certains de leurs comportements, pas le Soleil ni la Lune. En résumé, tout laisse croire que les êtres humains ont pris conscience du ciel parce qu'il leur semblait être la représentation physique du grand vide, de l'immensité insaisissable d'un monde qu'ils percevaient tout à coup en eux-mêmes, sans pouvoir encore le définir ni le situer exactement, et dont bien sûr ils ignoraient l'existence auparavant. Ils y virent alors des signes qui s'accordaient si bien aux leurs qu'ils firent un amalgame entre le Ciel et le Soleil, qui devinrent pour eux des divinités féminines et maternelles, et la Terre et la Lune, en lesquelles ils reconnurent leurs équivalents masculins et paternels. Voûte céleste et croûte terrestre avaient désormais partie liée, la première étant peut-être le miroir vivant et protecteur de la seconde.

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