L'interprétation que nous donnent les historiens-et plus
particulièrement les égyptologues-de principes pouvant
relever du développement, de la pratique et de l'utilisation de
l'astrologie en Égypte antique se résume à très peu de
chose. Il y est fait plus souvent mention d'astronomie et du
calendrier mis au point par les Égyptiens que d'astrologie.
Ainsi par exemple, la " coïncidence " observée par
les prêtres au moment du lever héliaque de Sirius,
c'est-à-dire Sothis (Sépédèt) pour les Égyptiens, qui se
produisait en même temps que le solstice d'été-soit le jour
où la durée du jour est la plus longue de l'année et où le
Soleil fait son entrée dans le signe du Cancer -, annonçant
akhet, la saison de l'inondation, est alors considérée de nos
jours comme un concours de circonstances simultanées et
synchrones certes, mais en lequel, en toute logique, on ne peut
voir un événement céleste et terrestre exceptionnel.
En effet, ayant aujourd'hui une vision que l'on peut dire
planétaire de ce genre de phénomènes, on sait que de telles
coïncidences sont plus fréquentes qu'il n'y paraît lorsqu'on
se trouve à un point précis du globe. Il n'empêche: c'est à
partir de cette coïncidence entre deux phénomènes célestes
-à savoir le lever héliaque de Sirius d'une part et le
solstice d'été d'autre part -et un événement terrestre de la
plus grande importance pour la survie et la prospérité du
peuple de l'Égypte antique, à savoir le commencement de la
crue du Nil qui rendait le limon de la terre fertile, que les
prêtres et les scribes, détenteurs du savoir, ont défini le
premier jour du calendrier égyptien, leur nouvel an. Et notons
au passage que ce calendrier fut en usage durant environ 4 500
ans, tandis que le nôtre, julien d'abord, grégorien ensuite et
encore de nos jours, n'a que 2 000 ans !
DU ZODIAQUE AU CALENDRIER
À partir de ce point de repère exceptionnel, les Égyptiens
ont établi un calendrier relativement parfait mais, bien sûr,
pas éternel, car il n'est aucun repère céleste vu de la Terre
dont la fiabilité soit éternelle, notre globe et tous les
astres qui peuplent le ciel étant en mouvement constant.
Toutefois, le calendrier égyptien fut un modèle en son
genre. En effet, il était décomposé en 360 jours, auxquels
venaient s'ajouter 5 jours dits épagomènes (du grec
espagomenos qui signifie tout simplement " ajouté "
), qui étaient consacrés aux fêtes de la naissance des dieux
: Osiris le premier jour, Horus le deuxième, Seth le
troisième, Isis le quatrième et Nephtys le cinquième jour
épagomène. Ces jours étaient chômés. On s'efforçait alors
d'employer son temps à honorer ces dieux, afin de s'assurer
leur protection et il était même recommandé de ne rien faire
ni entre- prendre ces jours-là.
Toutefois, les scribes et astronomes égyptiens n'ayant pas
eu la présence d'esprit de prendre en compte la fameuse année
bissextile qui nous permet, tous les 4 ans, d'ajouter un jour à
l'année de 365 jours, pour que les soltices d'hiver et d'été
se produisent à date relativement fixe chaque année, tous les
4 ans le nouvel an égyptien était décalé d'un an. Autrement
dit, en suivant le calendrier égyptien, il fa11ait attendre 1
460 ans pour que le lever héliaque de Sothis-Sirius coïncide
de nouveau avec le solstice d'été et le 1 er Thot, premier
jour du mois d'akhet, la saison de l'inondation.
Pourtant, ce décalage ne semble pas avoir beaucoup gêné
les Égyptiens puisque, comme nous l'avons déjà précisé, il
fut utilisé et donc conservé durant environ 4 500 ans. À cela
il y a peut-être une explication simple: le calendrier et le
zodiaque égyptiens ne fonctionnaient pas selon le même
principe. Le premier constituait une mesure du temps terrestre
relativement approximative, comme ce fut le cas dans toutes les
civilisations antiques, tandis que le second était une grille
d'observation immuable, ne tenant pas compte des changements du
calendrier mais fondée exclusivement sur certaines
coïncidences relevées et établies au fil des siècles entre
des phénomènes célestes et terrestres, et des événements
humains, les constellations, les étoiles et les saisons
réelles de la Terre, non celles ponctuées par le calendrier.
On peut donc imaginer qu'il existait déjà un clivage entre
les scribes astronomes et les scribes astrologues, ou bien que
ces deux approches de la réa- lité du monde selon les
Égyptiens étaient des sciences
complémentaires, mais qui devaient être traitées et
interprétées selon deux angles distincts. Ainsi, les rythmes
calendaires procédaient déjà d'une propension qu'ont eue les
civilisations antiques à vouloir organiser le monde et la
réalité tels qu'elles les envisageaient, selon des principes
relevant exclusivement de préoccupations temporelles et
matérielles, tandis que les rythmes zodiacaux conservaient une
interprétation de la vie plus absolue, le ciel étant alors
perçu comme un miroir, dans le reflet duquel la destinée et
les événements humains n'étaient pas ponctués par des
mesures abstraites mais par des cycles et des fondements
observés de toute éternité. C'est encore cette différence,
plus marquée qu'en ces temps relativement lointains où l'on en
trouve donc les germes, qui existe de nos jours entre notre
calendrier et nos mesures du temps, qui tiennent compte bien
sûr de tous les paramètres astronomiques que nous connaissons
pour être aussi exacts que possible, et le zodiaque, qui
apparaît pour beaucoup désormais comme une vue de l'esprit
dont les fondements reposeraient sur des principes erronés.
Pourtant, tout laisse supposer que c'est à partir du
zodiaque, dont on sait qu'il est un cercle parfait de 360
degrés, que les Égyptiens ont créé leur calendrier, et non
l'inverse. C'est ainsi que le zodiaque égyptien était divisé
en 36 décades ou décans et que chaque degré avait une
signification particulière. De ce fait, les symboles et les
mythes qui s'y rattachaient apportaient un éclairage sur des
événements propices ou non pouvant se produire le jour avec
lequel il coïncidait, mais aussi sur la destinée et ce que
l'on appelle aujourd'hui le caractère de l'être qui naissait
ce jour-là.
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